Falling In Love Again
de Laetitia Masson – 2009
« Comment ça commence, une chanson ? » Pour tenter de percer ce mystère, la cinéaste Laetitia Masson s’est envolée à Nashville, Tennessee, sur les pas de Jean-Louis Murat. C’est en effet dans la capitale de la country music, vieux rêve enfin réalisé, que ce dernier a enregistré son nouvel album, « Le Cours ordinaire des choses ». Prétexte à cette ballade filmée, à la fois documentaire musical onirique et essai sur la solitude banale dans un monde qu’on dit moderne. Une fable à deux personnages : le Chanteur, présence à la fois mystérieuse et charnelle, et Solange, une jeune parisienne désabusée en quête de sens, interprétée par Elsa Zylberstein.
D’emblée, le décor est planté : le studio Ocean Way, sorte de cathédrale boisée, hérissée d’une forêt de micros goupillons, de consoles autels et de cabines confessionnaux. Un lieu mystique et mythique, parmi la centaine de studios que compte une ville pas plus grande que le Clermont-Ferrand natal du chanteur. Le Chanteur, L’Homme de Dos. Qu’on aperçoit déambulant dans la cité, entre supermarchés aseptisés et prédicateurs télévisés, ou se recueillant à travers des reflets vitrés, casqué comme un chevalier errant, caressant une guitare acoustique sous le regard attentif de Christophe Dupouy, son fidèle ingénieur du son.
Au fil de ce road movie immobile, plutôt film de rôdeur émouvant, s’ébauchent les chansons du nouvel album, comme un puzzle qui prendrait forme, une toile aux couleurs esquissées jusqu’à devenir tableau de maître. Une genèse commentée par la voix off de Laetitia Masson, qui filme, comme elle dit, « les indiens au travail » : une tribu de musiciens locaux, artisans à la simplicité virtuose, ajoutant ici une griffe de steel guitar, là des gouttelettes de piano, ailleurs des bruissements de maracas. D’Orcival à Nashville, l’œuvre prend corps. Et âme. Comment ça commence une chanson ? Sans doute ainsi : rien que le cours ordinaire des choses.