Grand Lièvre

« Grand Lièvre » est sorti le 26 septembre 2011 chez V2 Music / Polydor. Disponible en 3 versions :

 

  • en CD cristal (standard, avec livret 16 pages)
  • en édition limitée (digipack avec 2 CD dont « Grand Lièvre » et « Live à la Coopé », concert du 7 avril 2010 à la Coopérative de Mai)
  • en vinyle (8 titres, dont « Ne t’attends qu’à toi seul ») – réédité en vinyle 10 titres le 21 mai 2021

01 / Qu’est-ce que ça veut dire
02 / Sans pitié pour le cheval
03 / Rémi est mort ainsi
04 / Alexandrie
05 / Haut Arverne
06 / Je voudrais me perdre de vue
07 / Vendre les prés
08 / Le champion espagnol
09 / Les rouges souliers
10 / La lettre de la pampa

Réalisé par Jean-Louis Murat

Grand Lièvre - Jean-Louis Murat
Il arbore de vertigineuses oreilles, est célèbre pour sa vélocité et hante de nombreuses légendes à travers la planète. Les Indiens d’Amérique en ont même fait une divinité à la fois esprit farceur et architecte de l’univers. Mais si Jean-Louis Murat a intitulé « Grand Lièvre » son nouvel album, c’est davantage par amour de l’animal que par souci de mythologie ésotérique. Grand lièvre, symbole d’une espèce en voie de disparition, métaphore d’une terre perdue…

Deux ans que Jean-Louis n’avait publié d’album. Le dernier, « Le Cours Ordinaire des Choses », l’avait vu explorer les contrées country du côté de Nashville, Tennessee. « Grand Lièvre » a retrouvé gîte et harde, repères et compères. Enregistré en quelques jours dans le sud de la France, avec les fidèles Fred Jimenez et Stéphane Reynaud, épaulés par le pianiste Slim Batteux, le disque sonne comme s’il avait été capté dans les conditions du live : « Il y avait un magnéto 24 pistes qui tournait en continu, raconte Jean-Louis. Le principe était « on ne touche à rien ». Je voulais conserver tout ce que le mixage enlève habituellement, le travail, la sueur, les interrogations, les erreurs.  »

Grand Lièvre (Vinyle) - Jean-Louis Murat
Une musique qui, paradoxalement, n’a jamais été aussi limpide et énigmatique à la fois. Un son compact, précis, dominé par une section rythmique inflexible, un orgue impérieux et la guitare 12 cordes de Jean-Louis. Le tout zébré de bruissements, bruitages et dialogues mystérieux, et, nouveauté muratienne, de choeurs hypnotiques et lumineux. « Au moment de l’enregistrement, j’écoutais beaucoup de groupes de rock indé des années 90, comme Swell, Silver Jews, explique Jean-Louis. J’avais envie de retrouver cette matière sonore, ce travail de groupe.  » Tout au long des dix chansons du disque, on retrouve les thèmes chers à l’auteur du « Manteau de pluie » : la nature, la dérision de la condition humaine, le doute, l’amour, la solitude. Mais ici magnifiés, nimbés de mélodies tournoyantes et évidentes, à la fois familières et surprenantes. Comme dans « Vendre les prés », constat implacable du dépeuplement des campagnes, repris dans « Haut Arverne », hommage mélancolique au terroir de l’auteur.

Thèmes nouveaux aussi, comme celui de la cruauté de la guerre, évoquée dans « Sans pitié pour le cheval » ou « Rémi est mort ainsi », l’une inspirée par un ancêtre homonyme, un Jean-Louis Bergheaud héros de la guerre de 14-18, l’autre évoquant la Résistance à travers Rémi et Colette, personnages des manuels d’initiation à la lecture d’antan. Dont les syllabes dansantes parsèment souvent les chœurs de l’album, onomatopées en forme de clin d’œil paternel malicieux.

Dans « Qu’est ce que ça veut dire », allusion à la perte de mémoire, on entend la voix d’Andreï Tarkovski, réminiscence de l’album « Cheyenne Autumn ». Dans « Le Champion Espagnol », c’est la silhouette de Federico Bahamontes qui surgit au détour d’un lacet du col du Tourmalet. Et dans « Alexandrie », dédiée à une amie disparue, c’est Cléopâtre qu’on imagine juchée sur son trône.

« Les Rouges Souliers » et « La Lettre de la Pampa », entre conte d’Andersen et missive façon Leonard Cohen, parachèvent un album riche, aux reflets changeants et aux détours inattendus. Encore rehaussé par « Je voudrais me perdre de vue », ode au dédoublement de personnalité, avec ses riffs lancinants et sa rythmique acrobatique virevoltant de ternaire en binaire.

Grand Lièvre, grand oeuvre, du Murat au sommet de son art, intime et immédiat, secret et universel. Son meilleur album ?

A savourer avec de grandes oreilles.

Ecouter :

Ne t’attends qu’à toi seul

inédit tiré des séances d’enregistrement de Grand Lièvre

Ne t’attends qu’ à toi seul

As-tu peur d’avancer

La femme est ennuyeuse

Ne quitte pas le regard

Ne t’attends qu’à toi seul

Au bord de la rivière

Etre dedans ou pas

Fait vaguement sourire

Perdu dans les collines

Tout file entre les doigts

Tout est celui d’un autre

Rien n’est écrit dessus

Ne t’attends qu’à toi seul

Regarde dans la glace

Laisse le plaisir te mordre

 

Ne t’attends qu’à toi seul

Et quand ton tour arrive

Laisse ta langue natale

Enfoncer chaque touche

Quand le seul choix à faire

Est celui de pleurer

En chansons d’origine

Ne t’attends qu’à toi seul

La télé est en panne

Laisse tomber la neige

Ne t’attends qu’à toi seul

Ecarte le tissu

C’est ton essence même

 

Ne t’attends qu’à toi seul

Reste derrière les vaches

Pense au pelage roux

Qui passe dans ta voix

 Ne t’attends qu’à toi seul

En instinct de jouir

Cours comme à la plage

Vers la rangée de filles

 Ne t’attends qu’à toi seul

Sinon c’est le martyre

La passion comme fin

Traverse les cimetières

 Ne t’attends qu’à toi seul

Chaque chambre est commune

L’amour en est la cause

 

Ne t’attends qu’à toi seul

La fente du volet

Est une vaste plaine

Viens y poser tes lèvres

 Dans ce duvet de cygne

Reste le locataire

Dans cette ville d’eau

Tout est mare de sang

 Ne t’attends qu’à toi seul

L’abbaye est en ruine

Car l’amour d’autrefois

Etait feu sans fumée

 Ne t’attends qu’à toi seul

La salope t’attend

 

Ne t’attends qu’à toi seul

C’est grand jour de marché

Aux hameaux transparents

Voilà le jour prévu

 En garçon boulanger

Viens gagner la partie

Sens-tu l’effet produit

En disant

J’essaierai 

 Lèvres rouges entr’ouvertes

Cherche un point culminant

Au pays menacé

Fait comme la jeunesse

 Ne t’attends qu’à toi seul

L’obscurité épaisse

Montre certaines choses

 

Ne t’attends qu’à toi seul

Sur la rive opposée

La fille s’est endormie

Par pure charité

 Ne t’attends qu’à toi seul

Préserve ton histoire

Le chemin est précaire

L’auberge est défendue

 Les cordes des guitares

Peuplent le paradis

Avance dans le métier

 Quand pendu au gibet

Ton âme sera folle…